Site Perso de

Thomas JANNAUD

Des actualités personnelles sous un style impersonnel, et inversement.



Braconniers en voie d'extinction
S.O.S d'un terrien en détresse 24 Juillet 2013

Entre deux sushis dans un resto branché 3 bobécolos se racontaient leur safari au Kenya et en sont venus à parler de la planète et des espèces en voie de disparition. A St Tropez cet été il y a eu plus de méduses que d'habitude, car leur prédateur naturel, les tortues, se font rares. Ni une ni deux, ils lancent un sympathique mouvement citoyen pour les sauver. Et quelle est la cible ? Les méchants braconniers évidemment. Tout est de leur faute, eux qui tuent les rhinocéros quand il suffirait de leur couper leur corne pendant qu'ils dorment. Exterminons les.

On m'a raconté qu'il y a encore 20 ans lors de la saison des pontes, les tortues venaient par centaines sur les plages. Les villageois volaient leurs œufs et les mangeaient dans les rues qui étaient alors jonchées de coquilles. Ils les décapitaient aussi volontiers pour leur viande et l'on pouvait retrouver quantité de carapaces vides sur la plage.

Et un beau jour les pays occidentaux sont venus leur dire d'arrêter. Menés par quelques associations écolos nous avons édicté des lois pour interdire cette tradition cruelle. Ces villageois qui font fi des problématiques de développement durable mondiales et se nourrissent égoïstement sur le dos de la planète doivent cesser ce massacre.

Qu'en est-il vraiment ?

Les tortues sont victimes :

de la pollution
Pour 1kg de plancton, il y a 6kg de plastique dans les océans. Les tortues mangent le plastique et ne le digèrent pas. Il remplit leur estomac, elles n'ont plus la sensation de faim, ne mangent plus et meurent.
des braconniers
Pendant la période de pondaison, les tortues reviennent sur la plage. Les vilains braconniers volent leurs œufs, les renversent sur le dos et leur coupent la tête avant de récupérer leur chair.
des prédateurs
Sur 100 œufs, seulement 5 bébés tortues survivront aux premières moments terribles de leur existence, sur le sable et dans l'eau : oiseaux, crabes, poissons, ... la naissance n'est pas un heureux événement pour tout le monde.
de la pêche intensive
en particulier à la crevette : des bateaux parcourent les océans avec de gigantesques filets qui râclent leurs fonds et les vident de toute leur population : tortues, dauphins, poissons, ... sur 1000 espèces pêchées il y en a que 6 qui nous intéressent. Les autres, pas sensées être prises, sont rejetées mortes. Il y a récemment eu un article qui a fait le buzz là dessus.

Le braconnage représente 3-4%, le reste étant partagé entre la pollution et la pêche.
Quand on y pense, le braconnage en a été ainsi depuis la nuit des temps et ce n'est pas ce qui a empêché les tortues de vivre. Enfin, pas celles qui ont eu de la chance. Les pêcheurs latinos ne peuvent donc pas être tenus responsables de la disparition progressive des tortues. Il y en avait chaque année à profusion et ils se servaient sans réfléchir, tout simplement. On accuse une poignée de villageois d'un massacre d'ampleur mondiale mais c'est pourtant nous, qui avons inventé le plastique et qui mangeons sushis et crevettes par millions sans savoir ce que cela implique, qui sommes responsables. Et qui interdisons aux habitants de toucher à leur "gibier" ancestral en croyant qu'on pourra à nouveau se baigner sur la côte d'Azur. Honte à nous.

Les actions de l'association

Pour le contexte, j'ai alterné 1 mois de vacances en Amérique Latine entre tourisme et bénévolat. Au Costa Rica j'ai passé 4/5 jours pour Parismina Turtles ($30 par jour famille d'accueil compris). Pour plus de détails, cf l'article sur le Costa Rica et la vie dans l'association.

Ceci étant les associations doivent bien défendre quelque chose. Elles sont souvent trop petites pour s'attaquer à la pollution ou à la pêche intensive mais elles peuvent faire gagner quelques précieux pourcents en agissant localement sur le braconnage et sur l'éclosion. Pour protéger les tortues, Parismina Turtles, comme d'autres, fait d'une pierre trois coups en organisant des rondes sur la plage la nuit.

Ce petit cours avant la patrouille n'est pas très motivant puisqu'on comprend que l'on ne peut rien face aux gros navires de pêche capitalistes, mais il a le mérite d'être honnête. On nous apprend 2/3 autres choses bonnes à savoir sur les tortues : il en existe plusieurs sortes, on rencontrera probablement sur leur plage des tortues vertes de 1 mètre de long / 100 kg et l'hiver des tortues luth de 2m / 500kg. Ces dernières peuvent plonger jusqu'à plus de 1000m de profondeur et tenir 1h30 en apnée. Elles nagent à une vitesse de 30 km/h environ (10 fois plus vite que nous).

Première patrouille

On est sensés alterner les tours de garde 8h-minuit et minuit-4h avec une nuit de pause toutes les 5 nuits. Première nuit. Je fais partie du tour de garde minuit-4h avec comme guide le père de ma famille d'accueil. Il devait y avoir 4 autres personnes. 2 ont préféré faire le tour 8h-minuit et les 2 autres dorment paisiblement. J'engage la conversation mais ça s'arrête vite vu que l'on ne se comprend pas. Et puis... pas besoin de forcer les choses, profitons.

On marche sur la plage dans la nuit à la lueur de la pleine lune. On voit presque comme en plein jour. Le silence règne mais ce n'est pas un silence gênant. C'est apaisant. Il y a le bruit des vagues, la lune qui se reflète sur l'eau, et quelques cocotiers ci et là. Je devrais être fatigué mais je sens dans l'air quelque chose de magique.

Une première tortue accoste. Elle remonte la plage mais s'en revient dans l'eau finalement. Elle laisse de grosses marques sur le sable, comme si une jeep était passée. On continue et on retrouve d'autres marques semblables. S'il y a une seule marque aller, c'est que soit la tortue est soit en train de pondre, soit on va la retrouver renversée sur sa carapace la tête tranchée.

On croise plus loin une tortue qui s'arrête, creuse un trou et repart dans l'eau. On est à 20m de l'eau à la limite de la végétation qui borde la plage. Sans doute trop de racines. Encore plus loin on croise la patrouille 8h-minuit qui nous dit qu'une tortue va sans doute pondre. Ils ont attendu 2 heures près d'elle sans succès. L'excitation monte. Et parallèlement c'est agréable de croiser des têtes connues sur la plage à 1h du matin. La tortue n'y est plus.

On marche encore et une nouvelle tortue débarque, rampe et creuse un trou assez rapidement à l'aide de ses nageoires. On est sensés ramasser les œufs alors je pense attendre qu'elle ait fini mais le guide me donne des gants en latex et me dit d'y aller. Oui, pendant qu'elle pond. Elle donne quelques coups de nageoires qui me touchent. J'ai peur de la gêner, je m'arrête. Le guide n'est pas là. Il revient 5 minutes plus tard et me dit de continuer puis s'en va, faire quoi je ne sais pas.

Il est 3h du matin, je me retrouve seul sur une plage à ramasser les œufs sous les coups de nageoire. Il y en a des dizaines, de la taille de balles de ping-pong, et pendant que je les ramasse il en tombe de nouveau. C'est Fort Boyard.

Le trou est assez profond, je suis épaté par sa taille parce que la tortue a juste agité ses nageoires à l'horizontale. Je dois mettre le bras entier ce qui fait que parfois je touche sans faire exprès l'espèce de tuyau par où les œufs sortent, et souvent ils tombent sur mon bras ou mes mains avant de toucher le sable. Ceux qui sont déjà dans le sable sont difficiles à récupérer. Ils sont enfoncés et j'ai peur de les casser en les prenant. Leur coque est souvent très souple et je sens que mes doigts s'y enfoncent et les marquent légèrement. J'espère que ça ne donnera pas naissance à des bébés tortues difformes.

Le guide revient, on prend les dimensions de la tortue (1m20 de long) et on poinçonne sur ses nageoires une petite plaque d'identification avec une énorme pince. La tortue rebouche son trou une fois son affaire faite et s'en va, nous on recreuse derrière, on prend les œufs restants et on rentre à l'association. 2 sacs en plastique pleins soit 148 œufs en tout ! On les enterre dans l'endroit grillagé devant la maison de l'asso où ils sont surveillés en permanence. Ils sont désormais entre de bonnes mains, même si une année en assistant à l'éclosion des œufs la laisse a glissé des mains d'un des membres et que son chien a dévoré des dizaines de nourrissons.

Un regard sur le passé

Second soir, seconde patrouille. On est cette fois 10 à marcher ensemble. On discute, on rigole. Il pleut par intermitences. On pense à tout sauf aux tortues et on ne voit que les traces de la veille. J'ai vraiment eu de la chance, certains n'assisteront jamais à la ponte.

Je n'étais pas très motivé lors de la première patrouille à l'idée que ça soit juste le père de la famille d'accueil et moi, pendant 4h de suite. Je m'attendais à une ambiance comme lors de la seconde patrouille. Mais finalement même si ça avait été très sympa d'être tous ensemble la deuxième fois, c'est la première nuit qui aura été mémorable. Tous les éléments étaient réunis. La chaleur dans l'air, la pleine lune, une atmosphère calme et spéciale à la fois qui fait que tout notre être est canalisé sur notre mission. Le père qui me laisse seul avec la tortue sur la plage, les œufs tièdes que je récolte, presque vivants, la sensation de communion entre les tortues et l'homme, l'excitation et la fébrilité du devoir accompli pour la planète. J'ai cru tenir entre mes mains le destin de toute une espèce. Bouleversant.

On est tout à l'est du Costa Rica dans un petit village au bord de l'océan Atlantique où les tortues viennent pondre toute l'année, sur le sable chaud entre les cocotiers. Et la tortue a pondu ses œufs, la tête à 10 centimètres de son pire ennemi : une bouteille en plastique. Le père me dit que le fleuve qui vient de la capitale se jette ici, dans cet endroit paradisiaque, et charrie toutes sortes de détritus.

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